vendredi 25 novembre 2011

Lancement: 4 Minutes To Midnight

Mes amis chez 4 Minutes To Midnight - une revue littéraire plus souvent qu'autrement alliant poésie et mise en page, figures de style autant que typographie, lancent leur édition courante ce soir, plus bilingue qu'à l'habitude.

Aussi, cette fois-ci, la revue est dédiée à Expozine et la mise en marché de l'art indépendant au Québec; j'y ai contribué un texte en français, articulé autour de la musique. Par contre, mon texte s'est vu modifié quelque peu...

C'est donc sans complexe que je vous offre ici ma version originale, alors que vous pouvez commander la version abrégée et re-montée sur le site de la revue.


Le Québec, en tant qu’îlot majoritairement francophone dans un océan anglophone, est unique dans sa façon de voir la Culture, dans un pays où les deux peuples colonisateurs tentent tant bien que mal de se différencier culturellement des États-Unis.
Le Canada anglais a réussi à former des artistes qui se différencient de leurs compères américains de deux façons : en encourageant ceux qui en sont carrément différents (The Tragically Hip et Rush en musique, le Woodlands Style ou les Painters Eleven en peinture, le Vancouver School en photographie pour ne citer qu’eux) d’une part, et en s’hyper-américanisant de l’autre et faire des artistes canadiens-anglais des figures importantes aux États-Unis (Nickelback, Shania Twain et Céline Dion en musique, Michael J. Fox, Pamela Anderson et Jim Carrey au cinéma, Margaret Atwood et Douglas Coupland en littérature)- s’inspirer du star-système et l’infiltrer pour foisonner.
Au Québec, vu le contexte de la langue, les éditeurs se sont rassemblés pour s’entraider et créer une sous-culture (du point de vue nord-américain) qui deviendrait son propre star-système, avec une demi-douzaine de ‘gros’ éditeurs de livres, deux plus grandes compagnies de disques (Audiogram et Québécor) et un tout petit groupe de producteurs de cinéma qui engage toujours les mêmes visages, qui changent aux 10 ou 15 ans.
Le hic, c’est que tout cet ‘establishment québécois’ continue de se vendre comme étant des regroupements d’artistes indépendants, des petits travailleurs honnêtes pas trop riches, qui ne sont que des mouches comparées à leurs comparses américains, sauf que ce sont eux qui dominent la culture populaire, la radio, la télé, le cinéma, les salles de spectacles (surtout celles de plus de 100 places), les comptoirs à journaux… sans compter que Québécor est une grande entreprise d’envergure internationale qui tisse ses toiles dans la plupart des domaines économiques.
Et le reste de la Culture, celle qui n’est pas annoncée dans les épiceries, doit soit être considéré comme ‘la relève’ qui tente de percer dans ce marché, soit une culture vraiment, absolument indépendante, résolument en marge. En fait, plusieurs variétés de sous-cultures existent : quelques-unes tournées vers les Américains (punk hardcore, fanzines) ou vers les Européens (la musique métal et les films gore), la filière indie-rock à succès, les punks francophones, les poètes qui font plus de spectacles/lectures qu’ils n’ont de textes sortis en recueils…
N’empêche qu’on semble loin du Refus Global, qu’il ne se dégage guère d’unité, d’esprit de corps. Qu’on pense seulement au groupe punk The Sainte Catherines : leur leader, Hugo Mudie, a lancé sa propre compagnie de gérance, L’Écurie, qui en plus produit des spectacles et un mini-festival nommé le Pouzza Fest; un de leurs anciens membres, Wood Nadeau, promeut aussi des spectacles – d’abord seul, puis avec le collaboratif Mon Œil, devenu depuis L’œil du tigre, qui est avec le temps aussi devenu une maison de disques. Et bien que les deux clans collaborent souvent, à présenter des spectacles chacun de leur côté, ils se divisent le public-cible – pas seulement en argent, dont le montant est, avouons-le, quand même assez minime, mais surtout en gestion de temps. Qui a le temps d’aller voir deux concerts du même type par semaine alors que l’offre de divertissement à Montréal est presque sans limite?
Il y a aussi ce qui se produit entre les scènes différentes : la scène noise nouvellement implantée à St-Henri se rend moins souvent sur le Plateau ou dans le Mile-End; les salles du centre-ville ferment à vue d’œil, par dizaines, et celles qui demeurent sont trop grandes pour accueillir des groupes de moindre envergure et des projets plus osés. Les salles underground qui opèrent à la limite de la légalité se font fermer et celles qui demeurent se voient forcées d’opérer avec des budgets intenables, résultant en des factures salées qu’elles refilent aux groupes qui désirent s’y produire.

Il faudrait un organisme qui chapeaute toutes les scènes, presque bénévolement, afin de laisser libre cours aux artistes pour que ces derniers puissent s’occuper de faire ce qu’ils font de mieux : de l’art. Parce que créer est assez pointu en soi, et qu’après la création, vient la mise en marché et/ou la distribution de l’œuvre, qui elle non plus n’est pas qu’une partie de plaisir.

Mais aucune des grandes institutions ne veut en prendre charge : les ‘grands’ éditeurs préfèrent garder ceux qui font déjà partie de leur star-système; les ‘grands’ festivals préfèrent les artistes internationaux ou les ‘grands noms québécois’; les festivals de région n’en ont que pour les rockeurs de radio; et Pop Montréal est bien trop occupé à faire venir des oubliés des fins fonds des États-Unis qui n’ont pas fait de concerts depuis plus de 30 ans que de prêter l’oreille (et leur vitrine médiatique exceptionnelle) aux groupes émergents qui ne font pas partie de leur cercle d’amis.

Il faut dire que plusieurs musiciens, en jouant dans trois ou quatre groupes en même temps, trouvent eux-mêmes les moyens de se tirer des balles dans les pieds en multipliant l’offre d’entertainment (et par le fait même les demandes de subventions et les applications aux nombreux festivals et événements), en divisant le nombre de lieux d’exposition (en s’y produisant avec leurs groupes dits ‘secondaires’) et en étirant la patience de leurs proches, qui finissent par ne plus savoir où donner de la tête.

Et tout ça parce qu’il est dorénavant tellement facile de produire de la musique à rabais, soit en enregistrant live dans les locaux de pratique, en spectacle, ou chez soi sur un ordinateur – même un portable. Et ensuite, pour le sortir, il suffit de graver un CD-R encore dans son ordi, ou de convertir en mp3 et l’envoyer à tout le monde.

Par contre, ce qui est compliqué, c’est de sortir de sa scène, de son noyau d’amis et d’irréductibles, de propager son message à un plus grand nombre d’oreilles. C’est là que de converger les scènes, de collaborer entre groupes, genres, promoteurs et labels pourrait profiter à plusieurs groupes - surtout dans une ville cosmopolite, culturellement vivante, curieuse et dépensière comme Montréal.

Parce que si une revue est limitée par son tirage (physique, elle n’a aucune limite numérique, évidemment), il n’en est rien de la musique qui, elle, se retrouve déjà en mode internet de nos jours et qui, plus souvent qu’autrement, tire sa force d’être entendue en direct, en concert, de la communion directe entre le public et l’artiste.

Et je persiste à croire qu’une ville comme Montréal peut très bien abriter autant de salles de spectacles aujourd’hui qu’en 2009 (on en compte une soixantaine de moins à l’heure actuelle), et qu’elles peuvent toutes être pleines – et que tous pourraient y trouver leur compte.

C’est d’ailleurs pourquoi j’organise chaque année UnPop Montréal – pour donner aux artistes une plate-forme où se présenter, où expérimenter, où s’amuser. Des spectacles gratuits pour inciter les gens à découvrir les perles rares qui ne demandent qu’à s’exprimer.

Parce que comme le dit si bien Wood Nadeau :

''La beauté de faire de la musique en ce moment, c’est que l’Industrie n’est plus en contrôle de la situation, nous le sommes. Et si l’Industrie tombe ou meurt, nous demeurerons actifs, parce que nous n’avons pas peur de perdre de l’argent, tant qu’on s’amuse comme des fous pendant ce temps-là.''

Le plaisir de créer d’un côté, le plaisir d’écouter de l’autre. Le retour à la case départ, à l’essentiel. Dire qu’on s’est laissé dire qu’on avait besoin de plus que ça pendant 50 ans…

Événement Facebook, pour ceux que ça intéresse.

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